Si les normes d’écriture pour la presse ou le webencouragent des phrases courtes, incisives et accrocheuses, il existe également une autre forme d’expression journalistique : le journalisme narratif. Ce type de journalisme va au-delà de la simple présentation de faits et d’évènements. Il a pour vocation de raconter les évènements, les histoires, avec émotion. Cette écriture s’apparente presque à celle du roman avec ses intrigues, ses rebondissements, et ses “personnages” emblématiques.
Concrètement, le journalisme narratif
Le journalisme narratif s’inscrit dans la catégorie des reportages. Comme le reportage, le journalisme narratif se place en témoin de faits ou d’évènements, mais avec une particularité tout de même : il rend l’histoire captivante en utilisant le même genre de codes que le roman. Grâce à ses anecdotes, ses descriptions de personnages et de lieux, et surtout grâce aux émotions dépeintes dans le journalisme narratif, les lecteurs peuvent consommer l’information autrement. Le journalisme narratif, c’est un défi littéraire (il n’est pas toujours évident de mélanger codes de roman et déontologie journalistique) mais également une façon de ralentir un peu le flux toujours plus rapide de l’information, de s’attarder sur des histoires et des gens, de prendre le temps de connaître un peu mieux les contextes sociaux, politiques et culturels.
Les premiers journalistes à utiliser ce style de reportage remontent aux années 1960 aux États-Unis avec Tom Wolfe ou Truman Capote : tous deux expérimentent à leur façon à travers différents ouvrages. Truman Capote publie l’un des plus célèbres romans de journalisme narratif, de non-fiction, inspiré d’un fait divers (Sang-froid, 1965). De son côté, Tom Wolfe popularise le terme de “new journalism” en 1973 et publie même une série d’articles du même nom, en plus de ça, son roman Le Bûcher des vanités lui vaut un succès mondial.
Depuis ces deux figures emblématiques, le journalisme narratif n’a pas cessé d’évoluer et est encore très largement utilisé dans le journalisme moderne.
5 points clés du journalisme narratif
Pour rendre un papier qui s’inscrit dans l’art du journalisme narratif, il est essentiel de se concentrer sur différents points clefs : en voici 5.
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La narration
C’est le point sur lequel il fait faire le plus d’effort : il s’agit de l’outil principal du journalisme narratif. C’est cette narration, si elle est fluide et bien travaillée, qui donne la capacité au journaliste de plonger ses lecteurs au cœur de ses récits, et de les impliquer émotionnellement. La structure est également très importante : il faut savoir placer des éléments de suspense, des rebondissements, ou des personnages surprenants, pour conserver l’intérêt que le lecteur porte au récit. Attention cependant à rester dans une démarche journalistique, chaque élément doit être soigneusement vérifié.
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Les “personnages”
Quand on parle de “personnages” dans le journalisme narratif, on ne parle en aucun cas de personnes inventées et créées de toute pièce. En effet, il s’agit ici de dépeindre de véritables personnes, à qui l’on a véritablement parlé. Il faut les détailler physiquement mais aussi moralement : les traits de caractères, les motivations, les sentiments et émotions, leur point de vue, une anecdote qui leur est propre… Plus la description est humaine et détaillée, plus les lecteurs parviennent à s’impliquer dans le récit. Ces personnages vont également être amenés à discuter entre eux : le journaliste narratif peut sans aucun problème prendre note de ces dialogues, et les inclure dans son récit pour apporter des moments de vie (qui sont les bienvenusau sein d’un long texte, ils permettent de faire respirer son papier).
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L’intrigue
Dans le journalisme classique, on parlera d’angle, c’est-à-dire le spectre par lequel on choisit d’exposer les faits. Pour le journalisme narratif, il s’agit bien d’intrigue. Encore une fois, il ne faut rien inventer, mais avoir un fil conducteur des évènements rend le récit plus compréhensible. Et, pour amener un peu de suspense, le journaliste narratif peut réserver quelques éléments de l’enquête (s’il s’agit d’un fait divers), pour la fin du paragraphe plutôt que de les énoncer dès le départ.
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La scène, les décors
Afin de placer une histoire et des personnages, il est très important de savoir poser un décor, un contexte visuel. Les lecteurs doivent pouvoir se représenter les lieux dans lesquels les évènements prennent place. En plus de renforcer l’immersion dans le papier, ces descriptions de lieux rendent également les faits plus crédibles.
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Les émotions
C’est bien sûr l’outil à soigner le plus possible dans le journalisme narratif. Il s’agit de l’essence même de cette forme d’écriture. Le texte doit en être rempli (attention, il s’agit bien des émotions des personnes impliquées dans les faits racontés et non des émotions du journaliste lui-même), mais doit également provoquer des émotions chez les lecteurs : joie, tristesse, révolte, colère, empathie, rire, espoir, elles font toutes passer des messages très puissants.
Se former au journalisme narratif
Le journalisme narratif, comme toutes les autres formes de journalisme, nécessite une solide formation théorique et pratique. L’ISFJ, l’Institut Supérieur de Formation au Journalisme, enseigne les fondements du journalisme : de sa charte déontologique aux rudiments de l’écriture. L’école prépare les futurs professionnels de l’information et encourage les étudiants à essayer toutes les branches du monde du journalisme, que ce soit pendant les périodes de cours ou des périodes en entreprises pour les cursus en alternance (de la deuxième à la cinquième année).